Письмо Бестужев-Марлинский А. А.
Н. А. и К. А. Полевым - 15 января 1835 г. Ставрополь.

Il faut que je vous conte, mon cher Xenophon, comme quoi, il m'est arrive, deux ou trois jours d'ici, un accident bien singulier. Je venais d'ecrire un article, dand lequel je tachais de developper l'idee, que le talent d'un poete est son existence, qu'en le divulguant il use sa propre vie; qu'il eparpille son coeur au vent se livrant a la penible tache de transmettre aux autres ce qu'il sent lui meme... enfin la chose trottait de plus bel, quand le sommeil m'a surpris en baillement flagrant. L'ouvrage fut interrompu a demi-mot. Cette idee manquee de devenir mon arret de mort.

Je me couche a 11 heures sans ressentir autre chose qu'unedou-leur sourde et vague a la tete et qui n'avait d'ailleurs rien d'alarmant. Je m'endors paisible, tout en ruminant mon sujet. Tout d'un coup je me reveille en sursaut, comme si j'etais frappe de la foudre; je sens ma tete tourbillonner, mon coeur battre a se rompre, le sang sourdre au travers de mon cerveau en jets de flamme, et siffler et bour-donner aux oreilles. Ma terreur s'echappe en cris de detresse j'etouffe je cours a la galerie me rafraichir en vain! le coeur bondissait avec une rapidite incroyable, comwe une roue echappee du ressort; la lete menacait de se rompre en eclats, et le crue de la chose c'etait que mes idees etaient toute-lucides, que je me sentais mourir sans secours et sans consolation que je voyais la mort s'approcher a tire-d'ailes, gringant les dents et ecariant ses serres de vautour pour me saisir. C'est alors que j'ai gagne la conviction intime, que la crainte n'est autre chose que l'en-gorgement de l'aorte, sentiment purement physique dont je pourrais suivre le progres au fur et a mesure d'apres le flux du sang vers les parties nobles. Il faut avouer pourtant que ce sentiment est terrifiant et donne des trances indicibles, d'autant plus que la raison et la bonne volonte n'y servent de rien, domptees, ecrasees par la matiere palpitante. Sur ces entrefaites arrive, a la fin de fins, Kohonoff, qui loge tout-aupres. L'acces rabat un peu de sa violence je respine. Pas possible d'envoyer chercher le docteur par la nuit et le temps affreux; je me resigne. Mais dans la nuit j'avais encore essaye 4 coups semblables au premier, mains avec mains d'inten-site.

Le matin on m'a saigne a blanc. Mais les maux de tete continuent, et je crois qu'il faudrait recourir aux sangsues. Pour sur-croit du bonheur, la repletion me cause un mal des dents cui-sant et opiniatre. Voila comme on passe, ou degringole plus-tot, de l'etat de la sante le mieux senti a l'etat de deperissement le plus menacant. Oui, mon cher ami, pourquoi se cacher la ve-rite? la voie du sang une fois elargie laisse un passage libre a cet element (tout de flamme chez moi) a tout jamais et qui est ce qui me repondra de l'avenir, qui me dira, ou bien, qui me per-suadera que mon coeur et mon cerveau resisteront longtemps aux chocs reiteres?.. Oh, que non, par Dieu! Tout cela etait prepare de longue main. Les passions allaient a la sape, les persecutions et les coups du sort travaillaient d'accord et voila la mort en personne qui s'avise de me battre en breche. Soit! Mais si je peris a l'improviste et dans peu je ressens un profond regret d'avoir si peu fait pour le monde au moins le seul regret qui est valable. D'ailleurs, il n'y a de mal sans profit: j'ai frise l'heure de la mort pour mieux apprendre a evaluer celle de la vie, et de ne pas compter le temps aussi paresseux que moi-meme.

Un mot d'apologue sur ma question des affaires pecuniaires de votre frere. C'etait veritablement N. J. R-ff qui m'en a parle et je me suis empresse d'aller au devant, car je sais tres-bien qu'une dizaine de milles roubles, interjelee a propos, pourrait servir parfois a faire faire surnager une modique fortune. Il ne s'agissait que d'un jeu de commerce. Nicolas m'aurait pris aujourd'hui telle somme et l'aurait paye un mois apres. Qu'est ce qu'il уa d'etrange, dites un peu? Je suis veritablement charme, que cette nouvelle etait de-nuee de fondement mais riche ou pauvre, soyez sur, que vous me trouverez toujours digne de votre amitie. Voila lout et qu'il n'en soit plus mention!

Le compte-rendu par vous envoye, quant a l'edition, m'demontre votre obligeante amitie dans toute sa splendeur. Je ne m'attendais guere a gagner tant d'argent et, grace a vous, j'en ai tant et plus. Veuillez bien, ces fonds realises, de placer 16.500 r. dans la caisse de Сохранной казны на имя неизвестного. Et pour couper court a toute balance de s'indemniser de restant, net. Так чтобы с нового года я не считался вам должен ни копейки.

(Тут начат какой-то расчет, но потом все перечеркнуто, так что нельзя разобрать.) Но так как вы пишете и из счета (С боку написано: L'excedant de 16.500 servira comme somme flottante a couvrir les depences a venir.) видно, что до сих уже пор по векселям чистой прибыли (кроме экземпляров) 17.799 р. 84 к. Mais mes yeux se froublent rau diable les comptes! ca me noircit le coeur. Je vous prie seulement, pour regler nos comptes a venir, de placer a leur tete les transports, escompte faite, et ne me bombarder da-vantage des debets et credits jen'y entends rien et j'ai trop de confiance en vous. C'est dit.

J'avais l'inlention de vous parler sur beaucoup de choses, mais la tete me tourne et la plume echappe de la main... Ne vous eton-ner pas de ce barbouillage en francais mes maladies s'ex-halent toujours en langues etrangeres, et puis ca sert pour derouiller tant soit peu mon francais, que je parle tres rarement.Vous m'en-verrez les 1000 r. promis incontinent. Des petites emplettes sont ci-jointes. Mille voeux pour votre bonheur et que bien vous en fasse, cher Xenophon! Je crois fort et ferme en justice divine meme ici-bas.

A tan tot,

tout devoue Alexandre Bestougeff.

15 de Janvier 1835.

Stawropol.

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См. также Александр Бестужев-Марлинский - письма и переписка :

Н. А. и К. А. Полевым - 12 марта 1835 г. Ставрополь.
Вот и из-за кубанского похода с Зассом возвратился я цел и здоров, дор...

Н. А. и К. А. Полевым - 19 августа 1835 г. Пять гор.
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